Longue journée, interminable vendredi. Les couloirs étaient plein à craquer d'élèves bons marchés désireux se rendre dans leur dortoir afin d'ôter ces caques ridiculement vétustes, préférant porter leur vêtement afin d'affirmer leurs convictions. Eilas ne supportait pas prendre des bains de foule, pour la peine, il gardait constamment avec lui son minable balais volant, un Brossdur 11. Quelle peine de devoir s'afficher avec ça, mais ses parents avaient décidé qu'il devait comprendre un peu mieux la notion de l'argent, ainsi il ne choisirait pas un métier peu rentable.

Montant à califourchon sur sa balayette, il s'extirpa des élèves s'agglutinant les uns aux autres, ainsi il put avec une aisance déconcertante se défiler loin de ces ignares incapables. Un petit passage express dans sa salle commune lui suffit pour mettre ses vêtements de « tous les jours » : un sweat anthracite avec un pantalon noir en jean, une belle écharpe relativement grande protégeait sa gorge des vents frisquets.

Aujourd'hui était une belle journée, fraîche certes, mais tout de même radieuse. Non seulement les cours s'achevaient, mais surtout il retrouvait son ami depuis longtemps : Warren Sheffield. Sorcier aux multiples talents et à l'humeur massacrante, il ne manquait jamais de « piquer » convenablement quiconque lui adressé la parole, ça lui plaisait énormément. Leur retrouvaille allait se faire dans le parc, les deux compères s'étaient donnés rendez-vous pour un petit duel, manière de garder le rythme et surtout, pouvoir affronter d'autres étudiants et les massacrer. Ce genre d'entrainement leur permettait de connaître leur points forts mais également leurs points faibles, ce travail d'équipe était le fruit de nombreuses heures passées à se jeter d'innombrables sorts au visage.

Arrivant à vive allure sur son ramasse poussière, il reconnut facilement son camarade aux mèches roses étincelantes. Déjà sa baguette était levée, il ne perdrait pas de temps et ne se laisserait pas surprendre comme la fois d'avant où, vicelard, Eilas l'avait attaqué avant même de lui dire bonjour. Sortant à son tour sa baguette, il visa soigneusement son camarade, prononçant dans un écho « Stupefix ! ».

La rapidité du sort s'alliant à sa propre vitesse, le coup partait très rapidement, mais Warren ne se laisserait pas aussi facilement avoir. Arrivant au dessus de leur nouvelle aire de jeu, le jeune Serdaigle déclara :  

« Désolé du retard Warren, tu sais ce que c'est la fin des cours un vendredi avec toutes ces brebis qui gueulent et n'avancent pas...  Comment s'est passée ta journée toi ? »

Rien n'empêchait les deux amis de discuter autour d'un duel.

Le ton était donné et ni Warren, ni Eilas, ne comptaient laisser l'autre s'en tirer facilement. Son camarade lança un sort d'une ampleur conséquente, gelant dans sa frénésie des feuilles volages qui se cristallisèrent et tombèrent comme la roche. Le sortilège ne pouvait être évité aussi aisément, surtout avec un balais si peu réactif aux commandes de son maître et c'est, sans surprise, que les poils de son balais furent glacés. Fort heureusement pour le garçon, aussi pitoyable pouvait être son achat, il possédait un vernis antimaléfice, ainsi même si un énorme glaçon lui faisait perdre de l'altitude, il commençait déjà à fondre. Pas assez vite, songea-t-il et l'heure de la riposte sonnait son glas.

Formant de grands mouvements avec sa baguette, Eilas s'exclama d'une voix puissante et certaine « Bombarda Maxima », visant le chêne derrière lequel s'était réfugiée cette vipère de Serpentard. Blessé son ami ? Evidemment, un duel n'était pas un rendez-vous de franche camaraderie et tout deux savaient que s'ils étaient amenés à affronter de véritables ennemis, ils ne leurs feraient strictement aucun cadeau : autant s'entraîner sans se faire de fleur.

L'explosion retentit aussitôt, éclatant dans un souffle ravageur l'écorce protectrice et épaisse. Bien que le tronc fut large et imposant, il ne put résister, se brisant comme une pauvre allumette, entraînant dans sa chute chaotique le reste de l'arbre s'écrasant comme un géant. Le choc raisonna dans tout le parc et se propagea sûrement au-delà, soulevant poussière et gravier. Où était Warren ? Sans aucun doute s'était-il fait propulser par le choc et avait atterri un ou deux mètres plus loin. Son ami ne s'inquiétait pas pour lui.

Continuant de perdre de l'altitude, le jeune Valdemar abandonna son balais, toujours prisonnier de la glace qu'il peinait, visiblement, à faire fondre. Déposant ses deux pieds sur le sol ferme, il profita du vacarme ambiant pour agiter une nouvelle fois sa baguette, libérant dans sa magnificence fluidité un double de lui-même. Le sortilège « Reflo » l'aiderait à duper Warren, lui conférant sans nul doute un avantage à ne pas négliger. Se pressant pour se cacher rapidement, sa supercherie fonctionnerait sûrement : le clone resta proche du balais congelé et ferait face à son ami tandis que le véritable lui, caché dans des buissons à quelques mètres, en profiterait pour lui lancer des sorts sans se faire remarquer.

Le clone adopta une attitude offensive, se préparant, inutilement, à subir de lourdes représailles. Prenant la parole, il déclara sur ce ton si fier :

« J'espère que ça t'a pas trop décoiffé, je sais que tu mets un temps pas possible à te préparer le matin ! Ha ha. Allé Sheffield, relève-toi, c'est pas l'heure de la sieste ! »

Se narguer durant les duels, un jeu auquel les deux compères s'adonnaient le cœur emplit de joie. C'était une façon pour eux de se stimuler et de pousser l'autre à devenir meilleur, analyser la situation, repérer leur faiblesse et attaquer là où ça fait mal. On pourrait les trouver sadiques, mais personne n'était en mesure de comprendre ce monde si particulier qu'ils pouvaient créer à chacune de leur rencontre, à chacune de leur parole.

Toujours en position, le clone attendait et reprit :

« Ah oui c'est vrai... Botanique... Comme si cueillir des fleurs ça allait faire de nous de meilleurs sorciers tu sais... »

Le vrai Eilas, toujours tapit dans les buissons, observait d'un œil malicieux la scène : qu'allait faire Warren ? Que lui préparait-il ? Un large sourire habillait son visage, enfin sa semaine prenait du sens, enfin il faisait quelque chose d'intéressant, enfin il était avec son ami. il était avec son ami.

Il était enfin là, se tenant presque fièrement comme savait le faire les Sheffield. Ses cheveux rose en bataille ne signifiaient qu'une chose : l'explosion l'avait délogé de son petit cocon protecteur pour l'envoyer promener. Dans sa course folle il envoya un faisceau étincelant violet, visant nullement le clone mais l'amas de roches située juste derrière ! Quoi ?! Savait-il qu'il ne s'agissait que d'une ruse ? Non certainement pas ! Mais dans tous les cas sa puissance était telle, qu'un brouhaha gigantesque s'en suivit, faisant trembler ciel et terre. Le sol sous ses pieds se mut dans un gargantuesque grognement, entraînant dans sa vertigineuse chute arbres et fleurs. Le clone, intangible, resta statique bien que surpris par cet assaut démesuré, le véritable Eilas lui, subit les méfaits de ce sortilège et s'engouffra dans une douloureuse chute, subissant l'affaissement du sol avec perte et fracas.

Ses vêtements étaient souillés, son pull déchiré, son avant bras gauche portait déjà une jolie plaie, peu profonde certes, mais crucifiante. Le clone du jeune Serdaigle traversa les roches sous lesquelles il gisait, jaillissant des décombres comme un impitoyable miraculé que la providence bienfaitrice avait épargnée. Warren avait chuté dans ce tremblement terrifiant et avait sûrement oubliait que 4 paires d'œils le surveillaient. Le double le vit donc ramper comme une vipère dans ce buisson, se cachant sûrement à son tour pour surprendre son ami. D'un pas presque lent mais certain il se dirigea vers ce dernier, baguette en main, arrivant plutôt rapidement à sa hauteur il cria, afin de le surprendre et lui faire peur :

« Et bien Sheffield on se cache ?!!!! Franchement, t'essayes de nous tuer ou quoi ? Bon j'avoue que pour le coup ma petite astuce n'a pas servi à grand chose... Bien joué ! » finit-il avec un large sourire et l'air amusé. Warren ignorait sûrement qu'il n'était qu'un clone et il comptait lui faire peur jusqu'au bout. Reprenant d'un air plus austère, le visage inexpressif, il pointa sa baguette sur son ami. « Maintenant c'est fini Sheffield, je vais t'achever... Bombarda Maxima !!! » Un faisceau incolore fit vibrer l'air et le traversa innocemment sans aucun bruit, aucun dégât. Eilas lâcha un léger rire. « Avoue t'as eu peur ! Mais j'suis juste un clone Warren, je peux rien te faire... Par contre je peux dire où tu es. Ici Eilas ! Il se cache derrière ce buisson !!!!! » acheva-t-il avant de laisser son corps se dissiper dans une fumé aux couleurs de ses vêtements.

Au même moment où le clone s'attelait à démasquer le Serpentard, Eilas s'était relevé des décombres, poussant les morceaux de cailloux entravant ses mouvements. Son balais n'était pas loin et semblait avoir survécu à l'impact. Poussiéreux et toujours plus ou moins congelé, le jeune garçon s'empressa de le récupérer et d'un simple mouvement de baguette il dissipa les restes du sorts : « Finite Incantatem » avait-il dit avant de voir la glace fondre pour de bon. L'enfourchant comme une sorcière des amazones, il s'envola à nouveau. Admirant depuis sa hauteur les ravages de leur affrontement, il ne pouvait être que satisfait de leurs réels progrès. Une voix, sa propre voix l'extirpa de ce moment d'extase et dirigeant son regard vers celle-ci, il aperçût son clone lui faire un signe de main avant de disparaître. Tu es donc là — songea le jeune homme, il était l'heure d'utiliser son clone comme atout pour le déloger une fois encore de son terrier. Fixant les roches éclataient, il jeta son dévolu sur un morceau de pierre assez large et imposant : si Mr veut abîmer le parc, alors le parc le lui rendra. D'un geste vif et rapide, prononçant dans la plus grande simplicité « Waddiwasi », sa baguette pointa le rocher en question puis se dirigea tout aussi sèchement vers le buisson cachant son camarade. Ce sortilège permettait de déplacer des objets à de très grandes vitesses, certes, mais la taille conséquente de la pierre ralentissait les effet du sort. Pour autant elle se déplaçait à une vitesse impressionnante et avait comme seul et unique désir : écraser le Serpentard Warren Sheffield.

L'éviterait-il ? Sûrement. C'est dans un bruit sourd que la roche heurta le buisson et le sol, roulant sur quelques mètres et piétinant sans scrupule tout ce qui se trouvait sur son passage. Ce duel était démesuré, bien plus que les fois précédentes, au diable les simples échanges minables de sorts sans grands effets, les deux individus étaient passés à la vitesse supérieure et usaient de maléfices bien plus puissants et destructeurs.

Tapis en hauteur, Eilas admirait avec une quiétude dérangeante leurs méfaits et ne songea qu'à une seule chose : la beauté de ces échanges cataclysmiques. Heureusement que les elfes aimaient nettoyer, cette passion malsaine pour le rangement pourrait être mit à l'œuvre pour redonner au parc sa beauté naturelle.

Toujours sa baguette en main, le jeune garçon préparait sa défense, certain qu'une attaque surprise parviendrait jusqu'à lui...